Dans la finca de Coste Haute à St Martin de Crau
Reportage et photo : Thierry Rippol (Toreria.net pour vuelta)
Un fort vent glacial balaye les enclos du Domaine de Coste-Haute à Saint Martin de Crau…. Toros, novillos y erales paissent à l’ abri du vent…. Les vaches avec leurs veaux veillent sur leur progéniture…. « Elever des bêtes en pleine nature, quasiment en liberté, de manière saine, se reproduisant naturellement, des veaux qui restent sous leur mère plus de huit mois… Si ce n’est pas ça le bien-être animal, c’est quoi ?… » J.L. Couturier contemple ses troupeaux et en parle en professionnel malgré à peine plus de six ans passés dans son nouveau métier de ganadero….
Six ans à peine et déjà un plébiscite, à Istres ou il retournera après l’importante corrida de 2018…Istres ou sera combattu le seul lot de Valverde en 2019… « J’en suis très heureux et j’appelle cela être considéré. De plus, je pense que la corrida devrait être supérieure à celle de l’an dernier… et avec un cartel parfaitement en rapport avec mes toros, même si j’ai un regret pour Juan Leal mais son entourage en porte la responsabilité… O. Chacon et J. Cortes, deux toreros habitués aux combats et qui connaissent les Valverde… J’espère un No hay bilettes… »
Industriel de la boulangerie, passionné de chevaux, c’est en découvrant le campo chez Alain et Frédérique Tardieu, ses amis de longue date, que Jean-Luc Couturier s’est éprit du toro bravo…. « Un animal unique par sa caste, par cette force et cette beauté qu’il dégage, qu’il soit brave ou manso mais qu’il ait de la caste… ». La corrida il l’a découverte sous l’ère Ojeda et ce toro qu’il affectionne à Ales en 1990 sous la pluie, des toros du « Curé de Valverde », exceptionnels de présence, face à José Luis Galloso, José Antonio Campuzano et Paco Alcade….
En 2012, il vend ses entreprises et dans la foulée, il prend la route de Salamanca pour rencontrer les deux neveux del Cura. L’élevage n’était pas à vendre et la différence de prix, énorme entre l’estimation des propriétaires et la proposition du nouveau retraité…. Les héritiers ont finalement accepté de tout lui vendre et il a donc fallut acquérir une propriété…. Il va trouver une non loin d’Arles, entre Saint Martin de Crau et Maussane, un domaine de 220 hectares, le domaine de « Coste Haute » qui comprend 70 hectares de luzerne et de foin, 40 hectares de marais, et plus de 100 hectares de garrigues qu’il va clôturer et équiper parfaitement pour l’élevage du toro bravo, avec toutes les installations nécessaires (plaza de tienta, cajones de soins, écuries…), auquel il faut rajouter une centaine d’hectares tout près, à Raphèle pour du foin de Crau et plus tard les 110 hectares vers Mas Thibert du Mas de la Tapie de Bouchet où on fait de l’élevage de limousine et de chevaux portugais.
Quasiment laissée à l’abandon et aux méfaits de la consanguinité, la ganaderia doit être assainie, 40% part à la casse et un rafraichissement s’impose avec du Conde de La Corte….
Parallèlement, lors de ses prospections en Espagne, l’ex-banderillero devenu veedor « Mangui » lui suggère d’aller dans la province de Huelva rencontrer les Garcia Palacios qui veulent céder des toros, notamment ceux historiques de Concha y Sierra.
Un second élevage d’encaste vasqueña, mythique qui va très vite migrer en Crau. Ils arrivent en novembre 2012, six mois après les Valverde….
Mais comment passer de l’industrie à l’élevage du toro brave et réussir en peu de temps à retrouver la prestance d’un fer qui périclitait ? « Tout d’abord, dans les deux cas, j’ai acheté toutes les bêtes, et avec le fond de caste qu’il a fallut réactiver… Pour les Concha on a travaillé sur le sang en agrandissant les familles pour éviter la consanguinité et pour les Valverde on a pu apporter du sang neuf…. Mais pour ça il faut une équipe…. Rolland Dupuy et Jean-Pierre Odet sont des gens de métier et je travaille avec un informaticien généticien passionné par les encastes du toro de lidia, Julien Aubert…. Et à partir de là, des bases génétiques de l’UCTL* et du travail quotidien on a cherché à faire remonter les bons cotés de chaque élevage, qui sont pourtant deux opposés…. » Et en moins de six ans les premiers résultats sont là… Après des débuts chaotiques à Beaucaire puis à Chateaurenard, peu à peu les Valverde ont retrouvé ce physique et cette présence qui créaient de l’émotion…. « Et en corrida il en faut, si les gens s’ennuient sur les gradins, ils n’y reviennent plus. Et l’émotion dans 99% des cas, c’est le toro qui la procure…. D’ailleurs aujourd’hui on a tendance à y revenir avec l’émergence de toreros comme Chacon, Cortes, De Justo, P. Moral… Même les plus grands comme Castella s’y mettent devant… »
La corrida d’Istres a été le révélateur du renouveau du sang de La Corte… « Et avec un an de plus cela aurait été encore intéressant….J’ai fait combattre deux novilladas, une à Boujan, une à Orthez, mais c’est trop aléatoire… Les Valverde c’est plus à 5 ans qu’ils sont au mieux qu’à 4, alors à 3 ans…. »
Pour 2019, deux lots de toros du Curé sont dans les cercados…. « Un ira à donc à Istres le 15 juin, l’autre cherche preneur, mais ce sont des quatreños et ils peuvent attendre un an de plus… » Pour les Concha y Sierra, il y a deux novilladas et une corrida… un toro ira en Espagne et trois en France pour un desafio…
Madrid est intéressé pour une corrida de toros…. « Oui mais pour aller à Las Ventas, il faut partir avec 12 toros et là je ne suis pas en mesure de répondre… pour le moment »
Alors le futur c’est quoi pour JL Couturier ? « Présenter tous les ans quatre corridas de toros, deux de Valverde, deux de Concha y Sierra… Deux en France et deux en Espagne… »
Nul doute qu’avec l’esprit et la motivation qui l’animent, l’ex-panadero atteindra rapidement ses objectifs.
*Union de Criadores de Toros de Lidia à laquelle sont affiliés les deux fers de JL Couturier…
** Depuis 2014, l’élevage de Valverde a présenté des corridas dans les arènes d’Alès, de Vic-Fezensac (à l’occasion d’une corrida concours), d’Orthez, d’Aignan et d’Istres. Parmi les 35 taureaux lidiés, 4 ont été primés d’un tour de piste posthume, récompensant leur bravoure.
– Grillito-N°162, lidié à Rodilhan (festival) en 2014
– Servicioso-N°174, lidié à Alès en 2015
– Guitarrero-N°69, lidié à Orthez en 2017
– Cubetisto-N°13, lidié à Istres en 2018