Une histoire qui commença en Camargue
Reportage : Thierry Ripoll (Toreria.net pour vuelta)
A l’évocation de cet élevage, né en plein cœur de la Camargue en 1966, un nom vient à l’esprit de tous les aficionados, celui de « Jabali » le toro de Gilbert M’roz qui avait gagné la corrida-concours d’Ales en 1992… Aujourd’hui, associé depuis maintenant 20 ans à Edouard Belmaure sous l’unique fer de La Torrecilla, Manu, son fils, revient peu à peu dans les radars ganaderos français…
Une histoire qui commença en Camargue, aux Saintes Maries de La Mer ou Gilbert M’roz, originaire de Rognonas, posa son balluchon pour y trouver du travail et découvrir l’aficion camarguaise puis espagnole… Il s’installera à la Bergerie d’Alivon au Paty de la Trinité, ou son fils vit encore aujourd’hui entre ses toros, sa promenade à cheval et quelques gîtes ruraux… N’ayant pas de terres, il acheta une poignée de bêtes qu’il gardait à bâton planté à droite et à gauche, avant de pouvoir louer quelques enclos pour pouvoir démarrer dans de meilleures conditions sa ganaderia marquée d’un trident comme fer. L’origine venant de chez Ricard et Pourquier, d’origine Infante de Camara avec pour étalons du sang Domecq dont un de chez Jandilla avec l’aide de Pierre Pouly…
« Pendant plus de trente ans, il a fait combattre pas mal de novilladas et de corridas de toros, ici mais aussi dans le Sud-Ouest ou il avait bonne presse… Il faut dire aussi qu’il y avait beaucoup moins de ganaderias bravas, mais bon, ça sortait bien et je me souviens de toreros comme Curro Caro, El Fundi, Patrick Varin, Denis Loré, Morenito de Maracay, José Antonio Campuzano entre autres,qui les prenaient sans rechigner… »
En 1996, Gilbert Mroz créait un second fer en associant son fils Emmanuel à Hervé Luquet un passionné installé dans les Landes, avec une vingtaine de vaches à lui et un semental de l’élevage portugais de Valera Crujo d’origine Domecq. Une histoire qui dura cinq ans…
« C’était une idée de mon père pour m’impliquer dans l’élevage. Mais c’était très compliqué pour moi, la finca se trouvant à 600 bornes d’ici. Cela se passait très bien. Il était énormément passionné, avait beaucoup et très bien investit, les toros sortaient avec du tamaño et de la bonne caste mais un jour il a décidé de tout arrêter… Il n’avait pas vraiment réalisé qu’avoir une ganaderia c’était 365 jours par avant, les soucis, les soins quotidiens, les joies mais aussi les déceptions, les coûts et un investissement personnel de chaque instant. On a tout liquidé et je n’ai gardé que le fer et la devise, La Torrecilla, nom sous lequel sont combattus depuis 2005, les quelques rares bêtes qu’on put présenter… »
En 2007, Gilbert Mroz fait combattre sa dernière corrida à Vergèze avec Marc Serrano, Jonathan Verunes et David Fandiño au cartel. En 2011 il décédera et peu après Manu repartira avec six vaches, un semental, rachetant le terrain d’une vingtaine d’hectares ou vit actuellement le troupeau comprenant une quinzaine de mères. Dans sa nouvelle mouture, les bêtes de La Torrecilla ont vu l’apport d’un étalon de Patrick Laugier, puis un de El Torero acquit auprès de Jean-Luc Couturier que Javier Conde avait toréé, et aujourd’hui un nouvel essai, toujours d’origines Domecq, afin d’éviter des problèmes de consanguinités, surtout avec un cheptel si réduit.
Edouard Belmaure, riziculteur et agriculteur camarguais, n’est autre que le filleul de Gilbert M’roz et c’est tout petit qu’il a grandi aux milieux des chevaux à traîner avec les taureaux (toros) tant est si bien qu’à l’âge de 17 ans il entre à la ganaderia Occitania, propriété de Simon Casas et de Pierre-Marie Meynadier qui le garderont jusqu’à la fin de leur aventure ganadera commune…
« C’est alors que me retrouvant libre, j’ai proposé à Manu de faire un bout de chemin ensemble. Et ça dure depuis 20 ans. Ça fait deux ou trois ans que notre travail commence à porter ses fruits. On tiente, on fait les choses bien mais tout ce ne se fait pas du jour au lendemain. On est sorti pour quelques petits festejos mineurs comme à Marsillargues avec Mirian Cabas, à Caveirac avec Matias Sauvaire, à Vallabregues avec trois novillos à tienter, Maxime Solera à la manœuvre face au plus sérieux Et les choses semblent bien se présenter. On a le temps et on ne peut pas vraiment agrandir notre troupeau, on va donc continuer a avancer « poco à poco », toujours avec passion et pour le plaisir… »
Depuis deux ans les vaches de La Torrecilla ont privilégié une descendance plutôt féministe… a peine trois añojos et trois erales se partagent les cercados avec les vaquillas, leurs mères et le semental de service. Pour Manu et Edouard, il faudra encore patienter pour pouvoir présenter deux ou trois becerros en sans picadors. Mais comme ils sont sur la bonne voie, l’avenir ressemble à un retour vers le futur des M’roz