Noticias : entretien avec David de Miranda impatient de commencer la temporada

« Toréer, un perpétuel dépassement de soi… »

Nimes-david de Miranda

Entretien réalisé par Thierry Ripoll (Toreria.net pour vuelta)

David Pérez Sánchez est un torero différent. Sûrement parce qu’il n’est pas passé par une école taurine, sa personnalité et son toreo s’étant formé au campo, aux côtés de son grand-oncle José Ramos, propriétaire de la ganaderia Marqués de Miranda, nom de la finca qu’il prit pour apodo… On ne peut pas dire non plus que la chance a été souvent aux rendez-vous de sa jeune carrière, déjà marquée par une gravissime blessure et par l’arrivée de la pandémie du Covid alors que son nom commençait à poindre sur les affiches des grands rendez-vous…

Tout jeune à la finca, située entre Trigueros et Gibraleon, entre les faenas camperas, il jouait au toro avec ses frères et ses cousins. Mais ce qui semblait être un jeu d’enfant est devenu vite un sujet très sérieux. Comme dans la province de Huelva il n’y avait pas d’école taurine il attendit le début août 2011, pour s’inscrire au concours « Huelva busca un torero »… Un concours qu’il remporta sans discussion après avoir coupé trois oreilles dans la plaza de La Merced. C’est là que tout a commencé.

 -Ton aficion est né, si je ne me trompe pas, par ton grand-oncle, éleveur de ganado bravo, passant l’essentiel de ton enfance dans sa finca « Miranda » dont tu as pris le nom pour apodo. Mais plus que d’élever des toros tu as choisi de t’y mettre devant. Pourquoi ce choix ?

« Mon aficion et mon nom de torero viennent de là. Le monde des toros m’a passionné depuis mon enfance, et grâce à mon grand-oncle j’ai pu grandir au milieu d’un élevage de toros bravos. Il m’a aussi inculqué les valeurs de respect, avec une vision différente du toreo, d’amour pour cet animal. Pour moi, les toreros étaient des idoles, je m’asseyais à côté de lui l’après-midi pour regarder les corridas à la télévision et je voulais être comme eux, c’était ce que je ressentais en moi. Petit à petit je me suis aventuré devant des vaquillas, des erales, habité par ce gusanillo… C’est là que tout a commencé. »

 -Et à partir de là, sans passer par une école taurine, tu t’inscris pour le certamen « Huelva busca un torero » en 2011 à l’âge de 18 ans. Et d’entrée tu attires l’attention des professionnels. Comment définis-tu ta personnalité taurine… Et qu’est ce qui fait d’entrée la différence avec les autres novilleros ?

« Étant de Huelva, de Trigueros plus précisément, une région où il n’y avait pas d’école taurine, j’ai eu du mal à faire cette démarche, à dire que je voulais être torero. Par conséquent, c’est en indépendant que j’ai appris, faisant les choses différemment, avec ma personnalité. Les écoles font un travail formidable, mais elles font que les enfants se ressemblent dans leur façon de toréer, même si ensuite certains expriment ce qu’ils ont en eux. »

Le début d’une trajectoire météorique gérée d’entrée par son premier apoderado Jorge Buendía, qui l’a toujours accompagné jusqu’à l’année dernière, quand ils ont décidé de séparer leurs chemins pour passer le relais à José Luis Pereda

-Depuis tes débuts, c’est Jorge Buendia qui a dirigé ta carrière avant de la confier l’an dernier à José Luis Pereda. Que t’apporte ce choix ?

« En fait ce sont les étapes normales pour un torero. Jorge a été pour moi très important, surtout dans mes débuts. Avec lui, j’ai eu une brillante période comme novillero sans chevaux, poursuivant dans la même ligne en novilladas piquées, me menant même en tête de l’escalafon une année. Après avoir passé matador de toros, j’ai continué avec lui pendant plusieurs années, jusqu’à l’arrivée de José Luis Pereda, qui a relancé ma carrière et mes illusions. Grâce à sa ganaderia, je peux vivre au campo, dans un environnement taurin, toujours en contact avec les animaux. Cela me sert aussi, parce que dans l’arène on voit ressortir toute cette préparation, cette façon d’être avec les toros. Les deux saisons avec José Luis ont été impeccables et je ne doute pas que le meilleur est à venir. »

Les sans picadors où il impacte fort, des débuts avec picadors en mars 2014 à Huelva pour un cycle qui le verra passer avec succès par Séville, Madrid, Bayonne, Tarascon où il recevra le trophée Toreria au meilleur novillero, Arnedo, Zaragoza, Algemesi… Et en 2016, l’alternative rêvée lui est conférée à Huelva avec pour parrain, José Tomas et pour témoin López Simón…Il sort en triomphe avec ses deux compañeros du jour, une première, celle dont rêve tous les enfants quand ils commencent à vouloir être torero.

 -Après deux saisons de novillero, tu prends l’alternative début août 2016 dans tes arènes, celle de la Merced de Huelva, avec José Tomas et López Simón et tu sors en triomphe avec tes deux compañeros du jour. Comment as-tu vécu cette alternative de luxe ?

« Ce fut un rêve devenu réalité. Dès mes débuts, José Tomas a été pour moi une référence. Qui allait me dire que ce torero que j’idolâtrais serait mon parrain d’alternative quelques années plus tard. Ce fut une après-midi de beaucoup de responsabilité parce que ce sont des jours qui marquent la carrière d’un torero, mais grâce à Dieu tout s’est bien passé. Et aujourd’hui, je peux contempler chez moi cette photo de la sortie a hombros du jour de mon alternative avec José Tomas. »

Un an après ces débuts exceptionnels, un très grave accident, dans les arènes de Toro (Zamora) avec plusieurs vertèbres fracturées, le laisse cloué au lit pendant de longs mois …Mais les toreros ne sont pas fait comme nous… Après d’énormes efforts pour récupérer, il revient en 2019 plus fort et triomphe à Madrid pour sa confirmation d’alternative, tout comme à Nîmes où il a confirmé également… Juste avant le Covid.

 -Après de tels débuts qui auraient dû te propulser au sommet de la toreria, un an après, le 27 août 2017, un toro de Sanchez Urbina, dans les arènes de Toro t’envoie à l’hôpital avec quatre vertèbres cervicales brisées, tout prêt d’être paraplégique… Qu’est-ce que tu t’es dit à ce moment-là ?

« Dans ces moments-là, vous vous posez beaucoup de questions, Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Juste quand je pouvais récolter les fruits de tant d’efforts et de luttes après tant d’années. Le toro ne comprend rien, le toro fait ce qu’il doit faire, c’est-à-dire qu’il prend ce que tu lui donnes. Comme je l’ai dit plus tôt sont des défis que vous apprennent la vie, parce qu’il fallait d’abord récupérer la personne, ce que ma profession a beaucoup contribué à faire, et enfin le torero. »

-Un an de soins et d’efforts immenses pour pouvoir réapparaître, déterminé à rattraper le temps perdu. Et dans la foulée tu confirmes ton alternative le 24 mai 2019 à Madrid par une Puerta Grande pour avoir coupé deux oreilles en partageant l’affiche avec El Juli pour parrain…Avant de triompher à Nîmes pour ta présentation en France. Ça fait quoi de croire aux miracles ?

« Je pense que les miracles n’existent pas, parce que c’est énormément de travail et de discipline qui sont derrière. Je crois que le destin est très important dans ce sens. Mais surtout c’est lutter contre les adversités, les obstacles, faire confiance à vos possibilités et dire je suis capable d’y arriver. Pour moi, dire que je veux être torero implique beaucoup de choses, le faire en assumant toutes les conséquences. Le dévouement quotidien à la profession est quelque chose de fondamental et je savais que l’après-midi de ma confirmation à Madrid serait la clé de ma vie, de ma carrière. Finalement, tout s’est très bien passé et j’ai pu sortir à hombros de Las Ventas, qui fut presque… un miracle. »

 -Mais les retombées de ces triomphes se font attendre et pas au niveau espéré mais l’espoir est toujours là. Quand arrive malheureusement la pandémie du Covid. Ce n’est pas trop pour un seul homme, même torero ?

« A ce moment-là, je me suis de nouveau posé beaucoup de questions, si le cauchemar allait continuer et à la fin, j’ai décidé qu’il fallait profiter de ces moments-là pour travailler, faire évoluer ma tauromachie. J’ai eu la chance de pouvoir continuer les entraînements et les tentaderos, et je pense que cela m’a aussi permis de progresser. Peut-être que ce voit maintenant le travail de ces longs mois. Il est vrai aussi que c’était frustrant de voir que tout était tombé dans l’oubli lorsque la normalité est revenue après le Covid. Il a fallu pratiquement tout recommencer. Toréer c’est un perpétuel dépassement de soi. Aujourd’hui, tu dois assurer une régularité dans les succès, suffisamment longtemps pour les empresas s’intéressent à vous, sinon impossible de se maintenir dans les cartels importants. »

-2023 avait montré les prémices d’un retour au tout premier plan avec 34 oreilles pour 16 corridas dont celles de la Merced de Huelva (8 en trois courses), de Cabra, de Merida de Palos de La Frontera malgré des blessures à Malaga et à Palos… Comment revient-on peu à peu après les blessures et les aléas de la vie comme le Covid ?

« La vie et le toreo sont des défis, et dans mon cas particulier j’ai dû surmonter différentes choses. En 2023, j’ai subi une cornada à Malaga et à la fin de la saison une fracture des vertèbres à Palos de la Frontera. Les adversités que la vie vous impose donnent un sens à tout, et servent aussi de motivation pour que vous sortiez le meilleur qui est en vous. »

Tout repart de Sevilla pour la Feria de Abril, ou après trois ans d’absence à la Maestranza, il sort en triomphe pour avoir coupé les deux oreilles de ‘Tabarro’, un important toro de Santiago Domecq. Un coup d’éclat validé le 1er août pour la Feria de las Colombinas de Huelva ou il coupe7 oreilles y compris l’indulto de “Barba Verde”, de José Luis Pereda, lui valant d’être déclaré triomphateur de la temporada taurine de Huelva…

2024 a commencé très fort avec un retour triomphal à la Real Maestranza de Séville en coupant les deux oreilles d’un toro de Santiago Domecq et jusqu’à la corrida historique des Colombinas le 1er août, juste un passage remarqué à Las Ventas, très peu de contrats la plupart sans grandes retombées. Les raisons ?

« Aujourd’hui, il faut avoir la continuité dans le triomphe pour gagner ta place, et après Séville, les cartels étaient déjà bouclés pour la plupart. Et pour le reste, beaucoup de promesses non tenues. J’ai pu toutefois rentrer dans les Ferias de Burgos et de Dax, et m’enfermer seul avec six toros à Huelva, mon arène. Les deux oreilles de la Feria de Abril m’ont beaucoup aidé, mais il faut savoir être patient car c’est le temps qui te met à ta place, là où tu veux être. « 

-Un nouveau départ qui se confirme donc pleinement cette saison. Mais qu’attends-tu de la temporada 2025 ?

« Je suis reparti, corrida après corrida pour que ce que je rêve et ce que je poursuis chaque jour, devenir meilleur torero, puisse se réaliser. Je veux pouvoir montrer dans les arènes ce que j’ai pu acquérir au campo, parce que je pense que ces choses-là ont à peine été perçues mais pas la maturité et la rondeur que je veux exprimer et afficher aussi une régularité dans le succès et obtenir des triomphes dans les plazas importantes pour atteindre la place que je souhaite occuper. »

-Nîmes, Bayonne, Dax, ton nom figure peu sur les affiches françaises. Qu’est ce qu’il faudrait pour que tu ouvres les portes de nos arènes ?

« Après la confirmation d’alternative à Nîmes, où j’ai coupé deux oreilles, j’ai été un peu oublié, même si en France il est de coutume de répéter les gagnants. En 2023, Bayonne s’est souvenu de moi pour la corrida de six toreros mais je n’ai pas eu de chance avec le toro, de Pedraza de Yeltes. L’an dernier à Dax, toujours avec des Pedraza, les choses ne sont pas sorties pour pouvoir triompher. Ce furent deux après-midis très importantes pour me frayer un chemin en France mais les aléas de la tauromachie ont fait que je n’ai pas pu. Je suis convaincu qu’en brillant dans les ferias espagnoles, je rentrerais à nouveau dans des cartels français. »

Après une présentation sans éclat à Dax mi-août, David de Miranda a réalisé une fin de temporada 2024 superbe, certes dans des arènes moindre catégorie mais de haute tenue comme celles que l’on a pu voir à la télévision. Valencia de Alcántara! quatre oreilles, Puerta Grande à Olvera avec deux orejas y rabo coupés à “Espontáneo” de la ganadería de Julio de la Puerta. A hombros à Utrera avec l’indulto de “Malandrín” de la ganadería de Lagunajanda. A Arcos de La Frontera dos orejas y rabo obtenus face à “Remilgo” de la ganaderia de Las Monjas. Le 5 octobre, trois oreilles et une queue à Montoro et pour finir quatre oreilles et un rabo à Niebla…

-Tu as terminé la temporada 2024 en feu d’artifice et même si ce fut dans de petites arènes andalouses, tu as impacté fortement les aficionados, et même en France pour les corridas télévisées… Comment l’expliques-tu ?

« En fin de saison, j’ai retrouvé des automatismes et au fur et à mesure du calendrier, je me suis senti plus à l’aise. Au fil des corridas j’ai pu aller plus loin dans ma tauromachie, mais le début avait été très fort aussi avec le triomphe de Séville. Je pense avoir terminé avec un très bon niveau, en souhaitant qu’il continuera à la même hauteur, voire mieux en 2025. Je suis vraiment impatient de commencer cette nouvelle temporada. »

Aujourd’hui, David de Miranda regarde l’horizon avec les yeux de celui qui a encore quelque chose de grand à accomplir. Avec son style de tauromachie vorace, efficace, respectant les canons académiques, allant à mas avec toreria, il veut, et mérite de se faire une place parmi les grands noms du toreo actuel…

-Enfin que peut on te souhaiter pour la temporada 2025 ?

« Que je puisse montrer le meilleur de moi-même chez vous, ne serait-ce que pour vous remercier de l’intérêt que me témoigne l’aficion française… »

En attendant, David de Miranda est à l’affiche à Madrid le 13 avril pour les Rameaux avec des toros de Valdellán aux côtés d’Antonio Ferrera et d’Alejandro Mora et devrait très vraisemblablement être à Sevilla devant les toros de El Parralejo

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