Entretien avec la ganadera Paola Martin
Reportage : Thierry Rippol (Toreria.net pour vuelta)
Pour le visiteur qui emprunte la RD 11 reliant Bidache à Saint-Palais (64), en plein pays de la Blonde d’Aquitaine et du veau sous la mère, aux abords d’Arraute sur des prairies ondulées, coupées de bosquets, se profilent, sur le bleu délavé du ciel, les silhouettes massives et fières des toros de combat. Ceux de la ganaderia d’El Palmeral.
C’est Olivier Martin qui avait créé cet élevage entre Béarn et Pays Basque en 1992 par l’achat à Antonio Ordoñez de vaches et de sementals pour une origine Atanasio Fernandez – Conde de la Corte, un encaste aux caractéristiques uniques, désormais en voie de disparition. Cet élevage français est né de la passion d’un homme, Olivier Martin, aficionado landais qui après avoir endossé l’habit de torero s’est reconverti dans l’élevage. Bénéficiant d’une relation amicale privilégiée avec Antonio Ordonez, torero célèbre devenu ganadero, il a pu profiter de toute l’expérience du vieil homme qui lui a vendu les bases de son cheptel actuel. Durant les premières années, le maestro de Ronda fournissait chaque année des sementales différents pour permettre d’étoffer les bases génétiques de l’élevage d’El Palmeral, tout en restant totalement fidèle au type du Conde de la Corte.
Juliette Fano reprit en 2010 l’élevage. Pendant plusieurs années et avec l’aide du regretté Pierre Charrain, la devise se partagea entre Arraute-Charritte et Sulauze. Aujourd’hui O. Martin a une entreprise qui tourne, ses filles et ses gendres ont la passion du toro…. Tout en restant associés, surtout administrativement, ce sont ses filles Sarah et Paola qui ont repris les rênes il y a 4 ans de ça….
Les toros d’El Palmeral vivent donc en terres basques, sur la commune d’Arraute-Charritte et sont revenus sur le domaine d’origine de Beigtanborda, comptant prés de 140 hectares. Aujourd’hui l’élevage représente environ 130 bêtes dont 9 étalons, nombre important pour le nombre de têtes, et ce à cause de la rareté du sang. Il se compose d’une soixantaine de mère, et une vingtaine de becerras a tienter cette année. Les naissances sont en cours, une trentaine de comptabilisée pour l’instant.
Rencontre avec Paola Martin…
-Qui s’occupe des toros et comment aujourd’hui ?
Aujourd’hui, ma sœur Sarah et moi-même sommes les ganaderas. N’étant pas notre activité principale, nous sommes aidées par une équipe dynamique ayant vraiment la passion du toro. Leur aide est cruciale dans notre situation et nous leur en sommes très reconnaissantes. Des personnes sont sur place chaque jour afin de réaliser les tâches quotidiennes indispensables, nourrir les bêtes, les surveiller, faire l’entretien nécessaire. Quant à nous, nous organisons les soins ou les activités plus complexes du ganadero de préférence les week-ends, ou en période creuse.
-Quelles sont les origines actuelles ?
Les origines sont restées les mêmes depuis la création de l’élevage : Conde de la Corte-Atanasio Fernandez.
-Qui sont les toreros de la maison ?
Un tas de toreros ont foulé le sable gris de notre plaza de tienta ! Nous avons eu le plaisir de recevoir des toreros avec des styles différents comme Juan Bautista, Sébastien Castella, Thomas Dufau, Clemente, Rafael Cañada, Uceda Leal, Jeremy Banti ou Sanchez Vara pour ne citer qu’eux. Également, nous avons eu le plaisir de recevoir des novilleros ou jeunes toreros avec beaucoup de volonté étant donné la technique que requiert notre bétail !
-Des lots prévus pour 2020 … Et lesquels étaient retenus ou en voie de l’être ?
Non, nous n’avions aucun lot de prévu pour cette année. Compte tenu de la rareté de notre sang, pour le moment notre objectif est de maintenir et donner un nouveau souffle à cet encaste. Malgré tout, nous envoyons beaucoup de soutien à nos confrères éleveurs souffrant de cette période très compliquée.
-Comment vous projetez vous dans l’avenir avec votre élevage
Comme nous venons de le souligner à l’instant, notre objectif premier est la sauvegarde de ce sang, qui malheureusement peine à survivre… Evidemment, sur le long terme les objectifs seraient de sortir notre bétail dans les arènes françaises qui nous tiennent très à cœur, mais également dans celles d’Espagne. Enfin, mais cela ne reste qu’un rêve, nous souhaiterions redonner sa grandeur a notre encaste tant adorée il y a quelques décennies.
-Depuis 1996, qu’est ce qui a marqué l’histoire la ganaderia d’El Palmeral ?
Tout d’abord, nous remarquerons le premier novillo lidié de la ganaderia. Toréé par Rafael Cañada à Garlin le 27 juillet 1996, notre novillo, Langostero N°11 a reçu une vuelta posthume et a offert au torero toujours en souffrance d’une gravissime blessure, une sortie à hombros en lui offrant ses 2 oreilles. Aussi, toujours en 1996, nous avons eu le privilège d’amener une novillada complète dans les mythiques arènes de Ronda, combattue par Rafael Cañada, David Vilariño et Morante de la Puebla. Ensuite, nous citerions un autre novillo de vuelta al ruedo, Sultanillo nº57, lidié le 29 octobre 2000 à Mont-de-Marsan par César Jiménez et les novilladas de Soustons en 2003, et Floirac en 2006 qui ont été dignes de leur devise.
-Aujourd’hui tout est à l’arrêt. Coté taurin, plus d’arènes jusqu’à nouvel ordre, plus de fiestas camperas….
En effet, l’impact est de très grande envergure pour le milieu taurin… tout le monde, à échelles différentes, souffre de cette crise sanitaire hors du commun. Nous avons la chance d’avoir des revenus extérieurs à la ganaderia qui nous permettent de moins souffrir que nos confrères qui offrent leurs vies à l’élevage du toro bravo. Nous n’avions pas de lot vendus cette année, les pertes seront moindres pour nous.
-Et pour le quotidien, les faenas camperas.. avec l’apport et la présence d’amis, d’aficionados ?
Nous attendons les directives… pour le moment les tientas pourront se tenir, en petit comité comme à notre habitude. Concernant les fiestas camperas, aucune n’est prévue pour le moment, mais nous attendons les consignes sanitaires pour prévoir les activités.
-Où est-on des aides qui ont été évoqué concernant l’élevage du toro de combat dans votre région ?
Etant donné notre situation actuelle, et notre volonté de ne pas sortir de bétail pour le moment pour nous concentrer sur la génétique, nous n’avons pas à profiter de ces aides. Elles sont nécessaires pour nos confrères qui souffrent de cette crise, ce qui n’est pas notre cas. Nous n’avons pas à les recevoir.
Ole torera !!! Ou plutôt ganadera mais quel pundonor !!! En souhaitant aux deux sœurs de ramener leur encaste à la place qui la sienne dans nos arènes