Reportage Campo : les derniers Murube de Juliette et Christophe Fano

A Sulauze, des trois fers, il n’en restera bientôt plus qu’un

Campo-Fano Toros

Reportage : Thierry Rippol (Toreria.net pour vuelta)

Le lot retenu par Jean-Baptiste Jalabert pour la corrida équestre de Mont de Marsan sera le ou l’un des tous derniers lots de cet encaste que Juliette et Christophe Fano possédaient depuis plus de 20 ans sur le Domaine de Sulauze…. « On est désespérés, hier on a dû faire abattre pour la boucherie les deux dernières vaches murubeñas…. Ecœurés même. » Très prisée par les toreros à cheval, le murube n’avait d’existence en France pratiquement que sur ces terres sises à Miramas…. Et avec des résultats très satisfaisants « Toutes les figuras du rejoneo les ont toréé et en ont triomphé, de Fermin Bohorquez à Diego Ventura en passant par Mendoza ou A. Cartagena… à Bayonne nos toros ont laissé sept oreilles et un rabo… Et au lieu de te répéter, on va voir ailleurs ou en Espagne. » Pour les éleveurs c’est tout le système qui est en cause, les empresas, les toreros et leurs apoderados, et quand la comptabilité étale ses chiffres, avec un lot vendu tous les 9 ou 10 ans ou un toro par-ci, par-là, les additions ou plutôt les soustractions sont vite faites.  Avec la fin de cette lignée, c’est 150 ans de généalogie qui s’éteignent. « C’était une lignée excellente et avant de l’envoyer à la casse on l’a proposé à des ganaderos qui ont cet encaste, les Capea, Bohorquez, Mendoza, Ventura est même venu les voir, c’est pour dire mais l’affaire ne s’est pas conclu pour des raisons purement financières… Alors, la mort dans l’âme on a du tout éliminer… » Aujourd’hui il ne reste plus que des mâles, deux courtes camadas… dont sera issu le lot mixte, toros et novillos pour La Madeleine.

L’élevage de Christophe Fano avait été créé par l’achat, en 1999 de la totalité de la ganaderia de Doña Maria del Pilar Lezcano Delgado, veuve du maestro Antonio Ordoñez qui possédait la ganaderia d’Urquijo, détentrice originelle de l’encaste murubeño. Afin de renouveler son sang l’éleveur provençal avait racheté tout le troupeau de même origine du rejoneador Pablo Hermoso de Mendoza avec deux sementales de Capea et de Luis Terron…. Clap de fin.

Campo-fer-Fano

Tout avait commencé dans les années 70 quand Laurent Fano quitta Paris pour reprendre le Domaine de Sulauze, vieille propriété familiale. De balade à cheval, il se lia avec Chaulier, le boulanger de Miramas, pour finir par s’associer pour créer une manade… Et c’est Marcel Mailhan qui leur conseilla d’investir plutôt dans le toro espagnol que dans le Camargue…. Des Tardieu, des François André, des Pourquier furent les premiers à investir les 500 ha vallonnés de la propriété, jusqu’en 1988.

C’est alors que l’élevage du Vieux Sulauze prendra un nouvel élan en achetant des bêtes de Jaral de la Mira, avec addition d’éléments de pure branche Condé de la Corte-Atanasio Fernandez. Des toros avec de la tête et du tempérament adoucies avec l’arrivée d’un semental de Sotillo Gutierrez puis d’un de Jandilla…un de Domingo Hernandez…. Une vingtaine de mères qui seront rejointes par un cheptel d’une trentaine de têtes issu de chez Yonnet que paternait alors un étalon de Juan Pedro Domecq… C’est cet élevage qui va rester sur les tablettes et qu’on retrouvera dans les arènes…. 

C’est Olivier Martin qui avait créé la ganaderia d’El Palmeral au Pays Basque  en 1992 par l’achat à Antonio Ordoñez de vaches et de sementals pour une origine Atanasio Fernandez – Conde de la Corte, un encaste aux caractéristiques uniques, désormais en voie de disparition. Juliette Fano reprit l’élevage pour pallier aux difficultés professionnelles de l’éleveur. Pendant plusieurs années et avec l’aide du regretté Pierre Charrain, la devise se partagea entre Arraute-charritte et Sulauze. Aujourd’hui O. Martin a une entreprise qui tourne, ses filles et ses gendres ont la passion du toro…. Tout en restant associés, surtout administrativement, c’est le créateur du fer qui a repris les rênes…. 22 vaches viennent de faire le dernier voyage pour le Pays Basque… marquant la fin du 3eme fer de la maison Fano.

Les cercados quadrillent les collines autour de la première placita de tienta, ses installations et ses corrales avec un torodrome d’un bon kilomètre pour se mettre en jambe…. Plus bas une autre arène avec ses dépendances pour les journées taurines…. « On va aussi se séparer des Camargue, une centaine de têtes qui nous servait pour les ferrades… 450 bêtes c’est trop. On va garder notre troupeau de cabestro et le cheptel du fer du Vieux Sulauze et travailler uniquement sur cette origine… »

Campo-Fano Juliette et Christophe

Pour les Fano, comme pour la plupart des ganaderos, le pain quotidien provient de la vente de viande, des journées taurines, de la location d’une salle de réception… Leurs deux filles poursuivent leurs études, l’une dans le domaine vétérinaire, plutôt équidés, l’autre dans l’événementiel, la relève n’est pas vraiment assurée à ce jour…. Pour eux, comme pour la plupart de nos éleveurs, le combat est quotidien surtout que, quand tout le monde aujourd’hui parle de nature, de biodiversité, d’écologie d’espaces protégés naturels, eux qui en sont les premiers garants s’en trouvent mis à l’index pour cause …d’animalismavirus…

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